Certaines maladies génétiques
graves sont dues à des mutations touchant un seul gène. Ces
maladies sont souvent fatales, car on ne dispose généralement
pas de traitements efficaces. Il y a quelques années, les
généticiens ont estimé qu'il serait possible de remplacer les
gènes défectueux par des gènes correcteurs, ou « gènes
médicaments ». Cette forme de traitement, la thérapie génique,
a d'abord semblé prometteuse, mais a connu un coup d'arrêt
après la mort d'un malade ainsi traité, aux États-Unis, en
septembre 1999. Puis, après plusieurs années d'échecs et
d'incertitudes, l'équipe d'Alain Fischer, à l'Hôpital Necker,
et celle de Claudio Bordignon, à l'Institut Saint Raphaël de
Milan, ont réussi à guérir des déficits immunitaires combinés
sévères chez des enfants, les « bébés bulles », qui ne peuvent
se défendre contre les agents pathogènes. Certains des enfants
ainsi traités ont toutefois développé une leucémie, car le
gène thérapeutique s'était inséré dans le génome à proximité
d'un proto-oncogène, un gène susceptible d'entraîner une
prolifération cellulaire de nature cancéreuse quand ils sont
activés par cette insertion. Récemment, deux résultats ont
confirmé que cette méthode thérapeutique présente un réel
potentiel pour traiter certaines maladies génétiques.
La première étude a utilisé un
mode dit ex vivo, au cours duquel les cellules à
traiter sont prélevées chez le patient, et génétiquement
corrigées grâce un vecteur viral porteur du gène fonctionnel,
avant d'être réinjectées. Elle concerne
l'adrénoleucodystrophie (ALD), une maladie rare due aux
mutations d'un gène nécessaire à la formation de la gaine de
myéline, qui enveloppe les fibres nerveuses. Sans cette gaine
de myéline, l'influx nerveux ne se propage pas. Cette maladie
touche un enfant sur 20 000. La seule forme de traitement
possible est la greffe de cellules souches susceptibles de se
différencier en cellules productrices de myéline, et issues de
moelle osseuse ou de sang de cordon ombilical. Mais compte
tenu du manque de greffons compatibles disponibles, et des
risques de rejet, l'option consistant à utiliser les propres
cellules souches de moelle osseuse du malade et de les
corriger avec un gène thérapeutique semble appropriée.
Début novembre, l'équipe de
Nathalie Cartier et Patrick Aubourg, à l'Hôpital Saint-Vincent
de Paul, à Paris, a publié des résultats montrant que c'est
bien le cas. Trois enfants de sept ans atteints
d'adrénoleucodystrophie ont reçu, il y a trois ans, leurs
propres cellules souches de moelle osseuse, modifiées ex
vivo par l'insertion du gène fonctionnel. Chez deux
d'entre eux, l'imagerie cérébrale a révélé que la perte de
myéline caractéristique de la maladie s'interrompait 16 mois
après la greffe (les résultats du troisième enfant traité ne
sont pas encore connus). Les cellules souches transformées
ont, semble-t-il, donné naissance aux cellules nécessaires à
la formation de myéline. Reste à vérifier que la correction
perdure et qu'elle n'est pas à l'origine d'effets indésirables
à long terme.
Une seconde étude concerne une
maladie rare et héréditaire de la rétine évoluant vers la
cécité, l'amaurose congénitale de Leber. Dans ce cas,
l'insertion du gène correcteur a été réalisée dans des
cellules rétiniennes, in vivo, grâce à une injection
localisée, sous la rétine, d'un vecteur viral porteur d'un
gène correcteur. Jean Bennett et ses collègues de l'Université
de Pennsylvanie ont observé chez 12 patients que les réponses
de l'œil à la lumière étaient améliorées par le traitement
deux ans après l'injection. Quatre enfants âgés de 8 à 11 ans
ont progressé dans leur capacité à déambuler entre des
obstacles, les progrès étant moins évidents chez les adultes
traités. Un suivi est prévu pour vérifier si l'amélioration
constatée reste stable au cours du temps.